Stendhal
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Cécile François Meynard, Stendhal et la province (résumé)
(Thése soutenue le 12/11/99 à l'Université Stendhal Grenoble
III).
Paris et l'Italie sont généralement considérés
comme les deux pôles orientant la vie et líécriture de Stendhal.
En revanche, la province reste encore assez négligée, alors qu'elle
constitue à ses yeux un objet díintérêt et d'analyse
passionnant, et représente sans conteste le troisième lieu essentiel
de sa création et de son imaginaire. Notre but était de définir
son apport dans la littérature opposant la province a Paris. Dans notre
introduction, nous avons donc cherché dans un premier temps à
donner une définition historique et sociologique du concept de province,
de sa constitution jusquíà son importante remise en question au
XIXème siècle avec les transformations sociales et politiques.
Ces généralités nous ont alors conduite à une réflexion
plus précise sur la province dans la littérature française
jusquíà Stendhal, ce qui nous a permis de situer ce dernier dans
líhorizon littéraire de son époque.
Une fois posées ces bases théoriques, il nous a semblé
essentiel de présenter dans notre première partie la définition
stendhalienne de la province. Pour Stendhal, c'est en effet un univers méconnu
du grand public, qui reste à découvrir et à décrire,
dans sa géographie et son histoire particulières. Une approche
diachronique permet de mesurer líévolution de l'auteur du cliché
jusquíà la conception d'une vision personnelle, qui s'affirme
clairement dans les grandes oeuvres provinciales que sont Le Rouge et le Noir,
Lucien Leuwen, la Vie de Henry Brulard ou Lamiel. Líétude précise
de ces textes nous a amenée à préciser la nature du réalisme
stendhalien dans sa peinture de la province et à la confronter avec l'approche
balzacienne. Cette comparaison révèle que la vision de Balzac
est peut-être au fond plus manichéenne que celle de Stendhal, que
ses héros sont moins marqués par la province que les héros
stendhaliens. En un certain sens, c'est même sans doute líauteur
du Rouge et le Noir qui accomplit le projet de Balzac de faire le récit
de la banalité quotidienne de la vie de province, tandis que l'auteur
de la Comédie humaine tend à la dramatiser. Le rôle de Stendhal
dans la littérature de la province est donc déterminant, et il
occupe une place incontestablement équivalente à celle de Balzac.
Cependant, il était impossible d'en rester a cette image "neutre" de
la province stendhalienne : notre auteur, en effet, pose un regard fort critique
sur cet univers qu'il connaît bien pour y avoir vécu toute son
enfance et son adolescence et pour l'avoir parcouru en tous sens au cours de
ses multiples voyages. Tout d'abord, la province lui répugne physiquement
jusquíà lui donner la nausée : c'est le royaume de la boue,
au propre comme au figuré, le domaine de líinconfort et du mauvais
goût. La bêtise et líinculture des provinciaux « encroûtés
», pour reprendre une formule stendhalienne, fait de leur patrie un enfer
pour les âmes tendres, qui síy sentent asphyxiées. Enfin,
les provinciaux se rendent insupportables par leur goût pour líemphase,
la vocifération, la gesticulation, destinées en réalité
à dissimuler leur peur díautrui et leur envie. Ils se livrent
ainsi à une comédie permanente, mais leur drame est quíils
jouent ridiculement mal et se font démasquer par le moindre Parisien
qui les côtoie.
Il níen demeure pas moins quíà côté de ces
défauts, Stendhal reconnaît à la province des qualités
inattendues qui donnent à cette dernière une place de choix dans
sa géographie personnelle. Pour en arriver à cette réhabilitation
- qui reste discrète et nía rien en commun avec les tonitruantes
déclarations de haine dont Stendhal est coutumier - un détour
par la capitale est nécessaire. En effet, cette dernière déçoit
profondément aussi bien líauteur que ses personnages : loin de
fasciner, Paris est un monde terne, superficiel et dominé au fond par
líennui. En ce sens, la comparaison tourne à líavantage
de la province, qui séduit par le caractère passionné et
énergique de ses habitants, par la vivacité des sensations et
de la rêverie. Cet univers de contraintes permet le miracle de líamour
vrai et du bonheur de vivre. Il est également associé intimement
à líavenir de la France, et Stendhal rappelle sans cesse sa modernité.
Le rapport de notre auteur avec la province est donc loin díêtre
fixé : il oscille en permanence entre amour et haine. Nous avons donc
voulu analyser en dernier lieu les motivations profondes qui líont déterminé
à écrire sur ce sujet. Au delà díune simple expression
cathartique du fantasme faisant de la province à la fois une mère
et une marâtre, líutilisation du concept présente un intérêt
díordre poétique car il peut structurer la fiction et inspirer
une technique díécriture particulière, notamment dans les
récits du Touriste. Stendhal relève ainsi le défi díécrire
un voyage en province, qui est à vrai dire tout autant un « voyage
autour de sa chambre ». Enfin, et surtout, il se fait plaisir en parlant
de la province, objet díhumour tendre autant que de comique sarcastique,
en particulier dans le motif des provinciaux à Paris.
De la nausée provoquée par la province au plaisir díécrire
sur elle, cíest un Stendhal inattendu qui síest révélé
au fil de notre lecture dans toute sa dimension díinventeur de la province
moderne aux côtés de Balzac.
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